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03/06/2021

Javier Cercas : Terra Alta

Javier cercas, victor hugoJavier Cercas Mena, né en 1962 à Ibahernando, dans la province de Cáceres, est un écrivain et traducteur espagnol. Il est également chroniqueur du journal El País. Terra Alta, son nouveau roman, vient de paraître.

Melchor, policier ayant acquis une certaine célébrité à Barcelone après avoir abattu quatre terroristes islamiques, s’est éloigné des projecteurs des médias dans un petit poste de police au sud de la Catalogne, en Terra Alta. A peine arrivé, il doit enquêter sur un horrible assassinat, les époux Adell ont été tués et torturés. Le mort Adell (et là, les sots s’y sont mis pour voir l’astuce !) était propriétaire d’une cartonnerie d’envergure internationale qui faisait vivre toute la région.

Un polar très bien écrit mais qui m’a longtemps laissé penser que j’en sortirais déçu tant il est vrai que je me demandais si je lisais un polar ou un roman de belle littérature, comme si – à tort – il n’était pas possible de marier les deux concepts, ce que réussit fort bien à faire Javier Cercas.

Le roman procède par flash-backs ce qui nous permet de découvrir la personnalité de Melchor. Fils d’un père inconnu et élevé par une mère prostituée, il connait la petite délinquance et la prison, puis après l’assassinat sordide de sa mère décide de faire les études lui permettant d’entrer dans la police où il va tenter, à ses heures perdues, de retrouver les coupables. Muté dans une petite ville en Terra Alta, il va y connaître l’amour avec Olga, la bibliothécaire qui lui donnera une fille, mais aussi le plus grand des chagrins…

Ces différents épisodes s’intercalent dans le cours de l’enquête sur le décès des époux Adell ; enquête qui avance lentement, tellement même que devant l’absence de résultats probants, le dossier est classé par la hiérarchie de Melchor. Qui ne l’accepte pas et la continue en loucedé à ses risques et périls. La résolution finale de l’affaire trouvera ses origines dans l’Histoire, celle de la bataille de l’Ebre, le plus vaste des combats qui furent livrés durant la guerre d'Espagne entre les forces républicaines et les insurgés nationalistes. Elle se déroula dans la basse vallée de l'Ebre en 1938 et ce fut la dernière grande offensive des républicains, mais elle se solda par un échec tactique et stratégique qui précipita la fin de la guerre.

Le roman est très bien écrit et c’est son principal attrait ; les références littéraires sont nombreuses, Melchor est un grand admirateur des Misérables de Victor Hugo, les personnages de Jean Valjean et surtout Javert le fascinent, il appellera même sa fille Cosette. L’enquête est décrite avec beaucoup de minutie et de précisions ce qui m’avait un peu lassé (?) avant que je ne prenne conscience de la portée morale ou philosophique du bouquin : ce qui court entre les lignes c’est la constatation que « les faux méchants sont les véritables gentils (…) et donc que les faux gentils ce sont les vrais méchants » ainsi que cette interrogation, doit-on condamner un homme qui se fait justice lui-même quand sa cause est juste ?

Un très bon roman illustrant le fameux adage, le malheur des uns (les personnages du livre) fait le bonheur des autres (les lecteurs) !

 

« La vérité, c’est qu’on vit assez bien ici, continua le caporal. On gagne même un peu plus. Evidemment, on n’est pas moins pauvres pour autant, surtout dans ma situation, avec deux filles à la fac. C’est là que tu te rends compte de ce que ça veut dire, être flic dans ce pays. A quel point on nous traite mal, comment on nous piétine. Ah ça, oui, quand ça chauffe, ils ont besoin de nous pour qu’on assure leur protection, et nous on va risquer notre peau pour eux. En attendant, on est considérés comme de la vermine, on est payés une misère, on nous humilie, et si c’était possible on nous cacherait quelque part, parce qu’on fait honte. Bon sang, ça me dégoûte. Quand je pense à tout ça, je n’ai plus envie d’être flic, tu vois. Bref, en tout cas, ici, en Terra Alta, tu vivras mieux qu’à Barcelone, surtout si tu vis seul. »

 

 

Javier cercas, victor hugoJavier Cercas   Terra Alta   Actes Sud – 307 pages –

Traduit de l’espagnol par Aleksandar Grujicic et Karine Louesdon